La nomophobie
Quel est donc ce mal étrange qui touche une partie de la population ? Tel un virus, il se propage à travers les ondes, infectant la plupart des possesseurs de smartphones. "Le mal du siècle", comme on le surnomme. Vous en avez sans doute entendu parler, vous-même, peut-être, en présentez déjà les symptômes. Mais qu'est-ce donc à la fin ? La nomophobie. Cette peur de perdre son téléphone portable et avec lui une partie de sa vie. Ce sont nos voisins Anglais qui, en 2008, ont commencé à parler de nomophobie. Ce sont eux d'ailleurs qui en ont inventé le terme "No Mobile Phobia". Selon un sondage, réalisé la même-année, 66% des Britanniques souffraient de nomophobie. Mais le phénomène en réalité ne relève en rien de la phobie. "La phobie est une peur irrationnelle qui se manifeste par le besoin de fuir l’objet phobique. Là ce n’est pas le cas. On peut parler d’addiction, de dépendance, le besoin d’être relié, d’exister. C’est plutôt de l’ordre de la névrose", explique Didier Rougeyron, journaliste et auteur du Dictionnaire divertissant et culturel des phobies (Ed Grancher). "Ce n'est en aucun cas une phobie avérée au sens clinique du terme", conclut-il. En France ils seraient 22% de la population à ne pouvoir se passer de leur portable ne serait-ce qu'une journée (sondage réalisé en mars 2012, pour Le Parisien), 34% chez les 15-19 ans. Des chiffres qui peuvent s'expliquer dans la mesure où "le mobile est devenu indispensable dans toutes nos activités quotidiennes", commente Catherine Lejealle, sociologue spécialiste des usages des nouvelles technologies. Mais de son côté, "ce n'est pas une dépendance au sens de l'addiction" puisque le portable nous rend service.
La prolifération des smartphones est l'une des raisons qui peut expliquer une utilisation qualifiée d'abusive par certains. "Avant nous avions différents outils pour différentes utilisations. Le baladeur mp3, l'appareil photo, le GPS, etc. Aujourd'hui tout est regroupé en un seul et même appareil. Il est donc logique que son utilisation soit plus importante", analyse la sociologue. "La fonction téléphone est marginalisée, quant on voit les possibilités qu'apporte un smartphone", poursuit-elle. Pour Didier Rougeyron, le phénomène n'est pas exclusivement lié aux nouveaux mobiles, il en serait de même pour les réseaux sociaux de type Facebook. "C’est l’objet transitionnel qui va nous relier au monde, aux autres et peut-être à nous-même, mais ça peut prendre n’importe quelle forme. Autrefois quand on avait un doudou dans la poche, cela nous reliait à nos parents, à notre maison, à notre base. Aujourd'hui, la base est technologique et si je la perds, j’ai le sentiment de tout perdre, et de me perdre moi-même en somme. C’est très angoissant", affirme-t-il.
Les conséquences de la nomophobie dépendent de l'utilisation de chacun. Le problème principal serait peut-être que le cerveau ne se repose plus assez. "Nous n'avons plus de sas de décompression. Automatiquement, lorsque l'on a un instant pour soi, on l'utilise pour aller sur son smartphone", observe Catherine Lejealle.
Le mobile à pris une telle place dans la vie quotidienne qu'il en modifie parfois les comportements. "Certaines personnes perdent la notion d'une proximité réelle, ce qui réduit considérablement les possibilité de dialogues", note Didier Rougeyron. Un phénomène paradoxal finalement. La solution pourrait venir de l'éducation. Savoir comment bien utiliser son téléphone. Pour la sociologue, c'est aussi une question de politesse, tout simplement. Et puis, il y a ce "sentiment de narcissisme" qui revient dans l'analyse de nos deux spécialistes. Recevoir un message, un mail, une photo... C'est toujours un plaisir de voir que quelqu'un pense à nous. C'est aussi pour cela que l'on garde son mobile près de soi. C'est l'outil qui me permet de rester connecté au monde et le monde connecté à moi. De près ou de loin, on est tous touché par ce "virus" qui n'est autre que le reflet d'une société sans cesse en évolution.
Compréhension
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